Le Kiai
Le kiaï, [est un] cri dont la force vibratoire paralyse un instant l’adversaire, […]. A mon avis, il est inutile de le répéter successivement : une fois suffit, mais une vraie fois. Poussez donc ce cri d’une façon totale, qu’il parte du hara, du bas de votre intestin, de cet endroit que les Japonais appellent le kikaï : l’océan de l’énergie. Pour cela, il vous faut apprendre la respiration du Zen qui est aussi celle du Budo : expirer lentement, le plus profondément possible. Au bout de l’expiration, l’énergie est à son point culminant. Le kiaï est le mélange de cette expiration avec une voix forte ; il faut que ce son monte de façon naturellement profonde, pour cela, il faut évidemment savoir respirer, ce qui est rare. […] kiaï se décompose en ki : l’énergie et aï : l’union ; cela signifie donc l’union de l’énergie. Un seul cri, un seul instant où se trouve tout l’espace-temps, tout le cosmos. Mais […] en fait, les gens poussent des cris modulés d’après leur personnalités, ils font de la décoration sonore. Rien d’authentique ni de farouche là dedans. Aucune force. […] Pas de ki dans leur kiaï. Pas d’énergie !
Parce qu’ils ne savent pas respirer ! […] Ce n’est pas la hauteur de la voix qui fait la puissance du son ! Le son doit partir du hara, pas de la gorge ! Regardez comment miaule un chat ou rugit un lion : ça c’est du kiaï. Entraînez-vous à la respiration, mais ne cherchez pas à obtenir un pouvoir magique avec votre kiaï : dans la voie du Budo comme dans celle du Zen, il faut pratiquer, je le répète, sans but ni esprit de profit. Or, la plupart des gens veulent toujours acquérir quelque chose, cherchent à avoir au lieu d’être.
Senseï Taisen Deshimaru,
Zen & Arts Martiaux.